La langue de Molière ?
"Corneille et Molière" ; graveur : Valentin-Maurice Borrel, 1858.
Collection Musée Départemental Pierre Corneille, Petit-Couronne.
L’affaire Corneille-Molière est, par principe autant que par conviction, niée par l’immense majorité des dix-septiémistes de la Sorbonne. Dès lors, parler d’une affaire Corneille-Molière et en dresser un historique argumenté c’est, nécessairement, prendre parti pour ceux qui ne partagent pas la certitude (ou le préjugé) de l’orthodoxie ambiante.
Denis Boissier
http://corneilleavecmoliere.net/Corneille_avec_Moliere/Historique_argumente_de_lAffaire.html
Il n'y a plus guère à discuter sur le fond de l'affaire, les statistiques et les algorithmes ont tranché. L'idiolecte de l'auteur, son style, est un objet parfaitement modélisable. Il permet d'identifier son auteur aussi sûrement que ses empruntes digitales...les analyses des experts sont déjà des pièces admises lors de procès de justice...voila pour le fond de l'affaire...
Reste alors à expliquer cette observation de Denis Boissier sur le préjugé de l'orthodoxie ambiante...reste alors à expliquer l'agressivité engagée dans la défense des pouvoirs et des privilèges...reste à redire Galilée et l'inquisition...et qu'en plus de nos paresses et nos habitudes de pensée...
***
Fils d’un tapissier, il occupera la charge de « tapissier ordinaire de la maison du roi » et à partir de 1660 « valet de chambre » auprès de Louis XIV, Jean Baptiste Poquelin (1622- 1673 meurt chez lui après avoir joué la quatrième représentation du malade imaginaire) – Quand devient-il le héros du roman national français ?
Molière (qui signe Moliere - sans accent grave) demeure depuis le XVIIe siècle le plus joué et le plus lu des auteurs de comédies de la littérature française, chaque époque trouvant en lui des thématiques modernes. Il constitue aussi un des piliers de l'enseignement littéraire en France. Le français est également surnommé « la langue de Molière ».
http://fr.wikipedia.org/wiki/Moli%C3%A8re
Mais en rappelant les principes de l’histoire,
- un événement qui s’est passé très souvent dans le passé a toutes les chances de se reproduire, au contraire un événement qui ne s’est jamais produit dans l’histoire a très peu de chance de se produire un jour,
et en constatant que,
- la majorité des livres aujourd’hui (People, stars de la politique ou du show-business) ne sont pas signés par leurs auteurs.
On peut se demander si,
Molière est réellement l’auteur des livres qu’on lui attribue (à l’exemple de l’hypothèse qu voudrait que Shakespeare ait servi de prête-nom à Francis Bacon .)
De plus, il n’existe aucun document manuscrit de Molière (on trouve une signature au bas d’au moins un documents - son nom apparaît dans les registres également des acteurs des troupes de théâtre).
Quand on se penche sur sa biographie, on trouve :
« Sur ses études et sa formation littéraire, Molière n’a pas fait de confidence et il n’existe aucun document. Les témoignages sont tardifs, contradictoires et entachés de polémiques. »
En 1919, Pierre Louÿs lance la polémique. Il estime que les ressemblances stylistiques entre Corneille et Molière sont trop frappantes pour être de simples coïncidences. Corneille serait le « nègre » de Molière.
***
1629 – Richelieu installe à Paris une première troupe permanente de comédiens, il met fin au monopole de la Confrérie de la Passion et pallie l’irrégularité des troupes itinérantes.
1635 : fondation de l’Académie Française - Louis XIII, sur les conseils de Richelieu, crée une nouvelle institution : l'Académie française. Le cardinal est nommé « père et protecteur » de l'académie qui compte 40 membres élus à vie. L'institution a pour but de donner à la langue française des règles précises afin qu'elle puisse à terme se substituer au latin. Sa première tâche sera de rédiger un dictionnaire. Mais l'Académie se doit aussi de donner son avis sur les livres. Pour Richelieu, elle constitue un moyen de contrôle sur toute espèce de réunion, même intellectuelle. (http://www.linternaute.com/histoire/motcle/190/a/1/1/academie_francaise.shtml )
1643 – Jean Baptiste Poquelin rencontre les frères Béjart et leur sœur Madeleine et fondent la troupe de « l’illustre théâtre ». Dans e cadre d’une tournée dans toute la France, qui durera jusqu’en 1658, ils se rendent avec à Rouen (où réside Corneille) et en revient avec le pseudonyme de Molière (moliérer = légitimer.)
1658-1660 : rencontre avec Corneille à Rouen. Après une première représentation pour le roi à Versailles, le frère du roi (Monsieur / Philippe d’Orléans), lui offre une salle au château de Saint-Cloud (le théâtre du Petit-Bourbon.) Pendant ce séjour, la troupe jouera en alternance des pièces anciennes, des comédies italiennes et les tragédies de Corneille.
1660 – Attribution de la salle du Palais Royal à la troupe de Molière.
1664 – Première du Tartuffe au théâtre du palais royal (« pour être dévot, je n’en suis pas moins homme » qui dénonce les méfaits de la Compagnie du Saint Sacrement et son hôpital Général (voir « la marche rouge » de Marion Sigaut) et classe Molière parmi les écrivains subversifs. La pièce sera interdite. Le roi l’autorisera quelques années plus tard.
Une deuxième version en cinq actes, jouée le 5 août 1667 sous le titre de L'Imposteur avec l'accord du roi, fut aussitôt interdite en l'absence de Louis XIV (qui faisait alors le siège de Lille). Malgré les plaidoiries de Molière, ce n'est qu'en 1669, au lendemain de la signature de la « Paix de l'Église » qui, apaisant les tensions religieuses, redonnait les coudées franches à Louis XIV, que la pièce — désormais appelée Tartuffe ou l'Imposteur — fut autorisée et connut un immense succès.
Résumé de la pièce :
« Orgon est l’archétype du personnage de cour tombé sous la coupe de Tartuffe, un hypocrite et un faux dévot. Il est, ainsi que sa mère, Madame Pernelle, dupe de Tartuffe. Ce dernier réussit à le manipuler en singeant la dévotion et il est même parvenu à devenir son directeur de conscience. Il se voit proposer d'épouser la fille de son bienfaiteur, alors même qu’il tente de séduire Elmire, la femme d'Orgon, plus jeune que son mari. Démasqué grâce à un piège tendu par cette dernière afin de convaincre son mari de l'hypocrisie de Tartuffe, Tartuffe veut ensuite chasser Orgon de chez lui grâce à une donation inconsidérée que celui-ci lui a faite de ses biens. En se servant de papiers compromettants qu’Orgon lui a remis, il va le dénoncer au Roi. Erreur fatale : le Roi a conservé son affection à celui qui l’avait jadis bien servi lors de la Fronde. Il lui pardonne et c’est Tartuffe qui est arrêté. »
http://fr.wikipedia.org/wiki/Tartuffe_ou_l%27Imposteur
1671 : Publication de « Psyché » co-signé par Corneille et Molière.
1680 - un édit de Louis XIV ordonne la fusion de la troupe du théâtre de « l’hôtel de Bourgogne » avec celle de l'Hôtel Guénégaud. C'est ainsi qu'est fondée une troupe unique et permanente : la Comédie-Française.
Petit historique de l’Affaire Corneille-Molière (1884-2008)
La thèse principale de l’Affaire Corneille-Molière fait de Molière un comédien spécialisé dans la farce qui s’est associé en 1658 avec Pierre Corneille afin d’ouvrir un troisième théâtre à Paris. Louis XIV ayant fait de Molière le bouffon du Roi, les deux associés, afin de pouvoir satisfaire les exigences de Sa Majesté et celles du Palais-Royal dont Molière est le régisseur depuis 1661, ont intensifié leur collaboration, laquelle imposa à Corneille son installation définitive à Paris en 1662.
1660/1673 (mort de Molière) – A propos de la première comédie jouée par Molière, Les Précieuses ridicules, l’écrivain Baudeau de Somaize écrit : « un ouvrage dont il se dit auteur »1.
• Le gazetier Robinet, qui n’était pas un ennemi de Molière, écrit « on ne peut pas dire que Zoïle [Molière] soit une source vive, mais seulement un bassin qui reçoit ses eaux d’ailleurs »2.
Pour une chronologie très détaillée de l'affaire : http://corneilleavecmoliere.net/Corneille_avec_Moliere/Historique_argumente_de_lAffaire.html
1884 : En pleine apogée du culte moliéresque l’historien Victor Fournel, dans son essai Bibliographie et iconographie moliéresques, est inquiet que l’on ne fasse un jour de Molière le prête-nom de Pierre Corneille.
1887 : Emile Bergerat, membre de l’Académie Goncourt, dans son recueil de chroniques Le Livre de Caliban, s’insurge contre le culte que l’on voue à Molière et doute que le Comédien soit l’auteur de son théâtre.
1912 : Un agrégé de l’Université, professeur au Lycée de Périgueux, M. Thausier, enseigne à de futurs bacheliers que Molière n’a pas écrit les grandes pièces qu’on lui attribue et que leur auteur ne peut être que Pierre Corneille.
1919 : L’affaire Corneille-Molière est lancée en 1919 par l’écrivain, poète et érudit Pierre Louÿs, lequel déclare que Corneille est l’auteur d’Amphitryon, pièce signée Molière. Il annonce ensuite que Corneille est l’auteur des principaux chefs-d’œuvre de Molière. De nombreux faits troublants indiquent selon lui une collaboration régulière entre les deux hommes.
Le scientifique et homme de lettres Charles Henry (1859-1926) affirme que Molière est « une invention universitaire ».
Dans son article « Corneille est-il l’auteur d’Amphitryon ? » (in La Revue Bleue) le moliériste Alfred Poizat écrit : « Pour ce qui est d’Amphitryon, je viens de relire attentivement ce chef-d’œuvre, en en comparant le texte avec celui de Plaute et celui de Rotrou, et je crois bien que Pierre Louÿs a un peu raison : une partie doit être de Corneille. Ce sont les mêmes rythmes caressants avec les mêmes tours délicieux, qu’on retrouve dans Psyché. »
1938 : Sous le titre Broutilles l’érudit Frédéric Lachèvre publie des extraits des notes de Pierre Louÿs.
1945 : Elisabeth Frazer, universitaire écossaise, attribue à Corneille diverses œuvres anonymes ou signées par d’autres, et soutient la thèse de Pierre Louÿs.
1946 : René-Albert Gutmann, dans son Introduction à la lecture des poètes français, constate que « les vers de Molière ont exactement tous les caractères que nous avons essayé de faire ressortir dans les vers de Corneille.»
1951 : Pierre Corneille : Tartuffe ou la comédie de l’hypocrite de l’écrivain Henry Poulaille qui tente de restituer le premier Tartuffe en trois actes.
1957 : Corneille sous le masque de Molière d’Henry Poulaille.
Dans son article « Molière, cet inconnu » (in Carrefour) le critique Pascal Pia écrit : « Depuis longtemps je suis loin de penser que tout est faux de ce que disait Louÿs. Pour Amphitryon par exemple, je n’ai pas le sentiment que Louÿs se soit trompé en avançant que Corneille y a eu au moins autant de part qu’à la composition de Psyché. »
1958 : L’écrivain René-Louis Doyon adhère totalement aux thèse de Louÿs et Poulaille.
1990 : Molière ou l’auteur imaginaire ? d’Hippolyte Wouters et Christine De Ville De Goyet. L’ouvrage contient, sous le titre Appendices, des notes de l’universitaire Louis Poirier (alias François Vergnaud), défenseur des thèses de Louÿs.
1993 : L’Ami du genre humain, roman de Frédéric Lenormand (la collaboration entre Pierre Corneille et Molière avec des aperçus bien documentés sur le XVIIe siècle).
1997 : Le Destin de Pierre, pièce de théâtre d’Hippolyte Wouters sur la collaboration des deux artistes.
2000 : L’Imposture Comique, pièce de théâtre de Pascal Bancou (traite de l’association sur le mode tragi-comique et, souvent, avec beaucoup de pertinence).
2003 : Corneille dans l’ombre de Moliere de Dominique Labbé. Etude comparative de la distance intertextuelle entre les œuvres de Corneille et de Molière. Résultat des statistiques : seize pièces sur trente-deux signées Molière sont de Pierre Corneille, notamment toutes les œuvres dites "sérieuses".
Dans son article « Misanthropie » (in Le Figaro Magazine) l’écrivain Patrick Besson écrit : « Il est temps que La Pléiade mette le nom de Corneille sur les œuvres complètes de Molière. Tant qu’elle y est, qu’elle inscrive le nom de Maquet à côté de celui de Dumas sur la couverture des Trois Mousquetaires. »
2004 : L’affaire Molière de Denis Boissier (le livre plus radical, mais aussi le plus complexe).
2005 : Entrée officielle de l’Affaire Corneille-Molière dans l’histoire littéraire. Pour la première fois un historien de la littérature lui consacre un paragraphe, intitulé : « Corneille a-t-il écrit les pièces de Molière ? » (Jean-Joseph Julaud, La Littérature française pour les nuls).
Le Nègre de Molière, téléfilm de Didier Bivel, sur un scénario de Catherine Ramberg (Corneille devenu "nègre" littéraire par amour de Marquise du Parc, célèbre comédienne de la troupe de Molière ; à la mort de Molière, Armande détruit le contrat qui liait ce dernier à Pierre Corneille).
2006 : Création, sous l’égide de l’Association cornélienne de France, de www.corneille-moliere.org, site officiel de l’Affaire Corneille-Molière.
« Ote-moi d’un doute »… l’énigme Corneille-Molière, des universitaires Jean-Paul Goujon et Jean-Jacques Lefrère qui essaient de rester neutres mais, au passage, se plaignent de l’esprit naïf et routinier des moliéristes et du point de vue parfois trop radical de leurs contradicteurs.
Dans son article « Corneille, Molière : le soupçon, l’énigme » (in Le Journal du Dimanche) l'homme de lettres Bernard Pivot écrit que l’on a « raison de se poser des questions et de les poser sans souci des convenances. Car il y a effectivement matière à enquête. »
2007 : Denis Boissier : Molière, Bouffon du Roi et prête-nom de Corneille, thèse de 950 pages éditée par l’Association cornélienne de France (pour ses membres seulement).
France 2 présente Secrets d’histoire « Molière a-t-il écrit ses pièces ? ».
Premier mémoire universitaire sur « L’Affaire Molière-Corneille » par Annie Elkjær Kristensen.
2008 : Tout savoir sur l’Affaire Corneille-Molière de Denis Boissier, édité par l’Association cornélienne de France (pour ses membres seulement). C’est une version condensée et "grand public" de sa thèse.
Dans son recueil d’essais sur L’Histoire interdite l’historien Franck Ferrand, abordant l’Affaire Corneille-Molière, est convaincu d’une association entre Pierre Corneille et Jean-Baptiste Poquelin.
http://corneille-moliere.org/index.html
L'ombre d'un doute : "Et si Molière n'avait pas écrit ses pièces ?" 1/5
"Et si Molière n'avait pas écrit ses pièces ?"
Réalisation : Marcel Bélanger.
Concept et présentation : Franck Ferrand
France 3, série historique "L'Ombre d'un doute".
Diffusion : 9 janvier 2013.
Ajoutée le 3 févr. 2013 par Corneille-Molière
***
Dernière mise à jour : 30/05/2016