Après trois mois de négociations, les partenaires sociaux sont finalement parvenus à s'entendre sur une réforme du marché du travail. Voici les principales dispositions de l'accord, qui doit encore être validé par les instances des parties prenantes.
Vos nouveaux droits
Complémentaire santé collective
Les salariés non couverts par une complémentaire santé collective le seront au plus tard au 1er janvier 2016. L'avantage ? Ce sont les différentes branches qui rechercheront des tarifs plus intéressants que pour un salarié isolé. En l'absence d'accord de branche d'ici un an et demi, une entreprise devra négocier elle-même la couverture de ses salariés. La couverture ne sera pas gratuite pour autant. Le coût sera partagé à 50-50 avec votre employeur. Rassurez-vous, si vous bénéficiez déjà d'un contrat collectif grâce à votre mari ou votre femme, vous pourrez être dispensé de cotiser.
D'autre part, en cas de licenciement, vous pourrez conserver votre couverture santé et prévoyance (invalidité, incapacité, décès, maladie, maternité) pendant un an, et non plus neuf mois.
Droits rechargeables à l'assurance chômage
Actuellement, lorsque vous travaillez, vous acquérez des droits à l'assurance chômage à raison d'un jour par journée de travail (à partir de 4 mois). Mais si vous êtes licencié et que vous retrouvez ensuite du travail avant d'avoir épuisé votre reliquat, vous perdez vos droits à indemnisation. Seule la nouvelle période de travail compte pour calculer la durée de vos droits à l'assurance chômage. Au terme du compromis, les droits ouverts pendant les deux périodes travaillées se cumuleront. Les modalités seront précisées dans le cadre de la nouvelle convention d'assurance chômage qui devra être renégociée pour juillet 2013.
Le temps partiel encadré
Le nombre d'heures est porté à 24 minimum à l'exception du cas des salariés de "particuliers employeurs" ou des salariés âgés de moins de 26 ans (étudiants), sauf si le salarié le demande expressément pour des raisons personnelles ou pour pouvoir travailler dans une deuxième entreprise. Les heures travaillées doivent alors être regroupées sur des demi-journées et des journées complètes. Les heures complémentaires sont payées au minimum 25 % de plus qu'une heure classique.
Meilleure information des salariés
Les représentants des salariés auront accès à plus d'informations concernant l'entreprise. Par ailleurs, dans les entreprises de plus de 10 000 salariés dans le monde ou 5 000 en France, les salariés auront droit à deux voix (une seule s'il y a moins de douze administrateurs) délibératives dans les conseils qui définissent la stratégie de l'entreprise (conseil d'administration ou conseil de surveillance).
Compte individuel de formation
Chaque salarié y aura droit dès son entrée sur le marché du travail. Les droits seront intégralement transférables d'une entreprise à l'autre. Les heures sont acquises à raison de 20 heures par an pour un temps plein.
Taxation des CDD
Le coût des CDD jusqu'à six mois sera augmenté par une majoration des cotisations d'assurance chômage payées par l'entreprise. Alors que la cotisation actuelle est de 4 % pour les CDI et CDD, elle passera à :
- 7 % pour les contrats d'une durée inférieure à un mois ;
- 5,5 % pour les contrats d'une durée comprise entre un et trois mois ;
- 4,5 % pour les contrats d'une durée inférieure à trois mois, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, dans lesquels il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.
Tous les CDD ne seront en fait pas touchés. Sont en effet exclus ceux liés à l'exécution d'une tâche précise et temporaire et les emplois saisonniers.
Les nouveaux droits des entreprises
Accord de "maintien de l'emploi"
C'est le grand retour des accords compétitivité emploi chers à Nicolas Sarkozy. En cas de graves difficultés conjoncturelles rencontrées par une entreprise, le texte prévoit la possibilité de conclure des accords majoritaires d'entreprise portant sur le temps de travail et la rémunération. L'objectif est de maintenir l'emploi jusqu'à l'amélioration de l'activité, pendant deux ans maximum. Les salaires de moins de 1,2 smic ne sont pas concernés. En cas d'amélioration de la conjoncture, l'accord prévoit impérativement des garanties sur le partage du bénéfice avec des sanctions en cas de non-respect de l'accord. Toute contestation de la validité de l'accord doit être formée dans les trois mois.
Si un salarié veut contester le motif de son licenciement ou le non-respect par l'employeur des dispositions de l'accord, il doit former un recours dans un délai de douze mois suivant la notification du licenciement.
Que se passe-t-il si un salarié refuse les nouvelles conditions négociées collectivement ? Cela entraîne de facto la rupture de son contrat de travail et un licenciement économique dont la cause est considérée comme "réelle et sérieuse". L'entreprise est donc exonérée de l'ensemble des obligations légales et conventionnelles qui auraient résulté d'un licenciement collectif pour motif économique, mais l'accord doit prévoir des mesures d'accompagnement. Pour Judith Krivine, avocate au cabinet Dellien citée par l'AFP, qui défend des salariés, "c'est comme si le salarié renonçait à son droit de contester son licenciement [...], c'est hallucinant".
Sécurisation des licenciements collectifs (entreprises de plus de 50 salariés)
L'entreprise peut procéder à des licenciements collectifs pour motif économique selon une procédure simplifiée. Cette procédure et le contenu du plan social associé sont négociés avec les représentants du personnel. En cas de désaccord, ils doivent être homologués par l'administration du travail. En cas d'absence de réponse avant 21 jours, le plan est "réputé homologué". Un salarié qui contesterait le motif du licenciement ou le non-respect par l'employeur des dispositions du plan social ou de la procédure a 12 mois pour le faire.
En cas de licenciement pour motif économique, l'employeur est fondé, pour fixer l'ordre des licenciements, à privilégier la compétence professionnelle (sous réserve de tenir également compte des autres critères fixés par la loi). Judith Krivine estime que c'est "l'exemple type de régression". "On s'est battu pour que les licenciements portent surtout sur des critères objectifs, c'est-à-dire l'âge, l'ancienneté, etc." Et là, le texte dit "exactement le contraire : l'employeur pourra privilégier les compétences professionnelles".
Mobilité interne à l'entreprise
Très peu relevée, cette disposition permet à une entreprise, en cas d'accord d'entreprise sur ce point, de faire changer un salarié de poste ou de lieu de travail sans perte de salaire ni de "classification". En cas de refus du salarié, il peut être procédé à un licenciement pour "motif personnel", ce qui donne droit à des mesures de reclassement, telles qu'un bilan de compétences ou un abondement du compte personnel de formation. "C'est une régression d'un droit très protecteur pour les salariés", reconnaît Sylvain Niel, avocat du cabinet de conseil d'entreprises Fidal, cité par l'AFP. Mais cela comble un vide juridique, estime-t-il, citant notamment le cas d'entreprises qui veulent mettre en place des mobilités alors qu'elles n'ont pas de difficultés économiques.
Encadrement des indemnisations aux prud'hommes
La phase de conciliation est renforcée par l'instauration d'une échelle d'indemnisation en fonction de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise. En cas d'entente entre les parties, aucun recours ne peut plus être formulé.
- entre 0 et 2 ans d'ancienneté : 2 mois de salaire
- entre 2 et 8 ans d'ancienneté : 4 mois de salaire
- entre 8 et 15 ans d'ancienneté : 8 mois de salaire
- entre 15 et 25 ans d'ancienneté : 10 mois de salaire
- au-delà de 25 ans d'ancienneté : 14 mois de salaire
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