Les fondements logiques et empiriques de la notion d'hétérogénéité
ACC JOURNAL, Ročník XXIX, 2023 – Issue C
vydavatel: Technická univerzita v Liberci
rok vydání: 2023
ISSN: 1803 – 9782/3
Résumé
Lors d'un séminaire de formation des enseignants, Catherine David a présenté la notion d'hétérogénéité comme une situation très problématique de l'enseignement des langues étrangères. Elle pousse l'enseignant à organiser un cours unique pour des apprenants maitrisant la langue cible à des niveaux différents. En prenant en considération les besoins spécifiques des apprenants autant que leur comportements, décrits comme des stratégies ou des style d'apprentissage, la notion d'hétérogénéité trouve des justifications empiriques pour s'imposer à la didactique comme une donnée incontournable. Elle s'impose aussi comme une inférence tirée des bouleversements scientifiques du début du 20ème siècle. Dans le cadre logique très particulier de l'interprétation orthodoxe de l'école de Copenhague, repris par l'épistémologie de Christian Puren, la notion d'hétérogénéité devient autant indissociable de celle de complémentarité que celle de complexité. Pour faire face à ce défi de l'enseignement que représente une classe hétérogène, Catherine David préconise la mise en place d’une pédagogie différenciée qui sera présentée comme conclusion de cet article.
Introduction
En juin 2023, j'ai eu le grand honneur et privilège de me rendre à l'Université Charles à Prague pour y assister à un séminaire, dirigé par Catherine David, et intitulé : « Pour un enseignement/apprentissage créatif au sein d´une classe de FLE/S multilingue et multi-niveaux. » L’objectif principal du séminaire était de donner aux participants, les outils et les moyens de mettre en œuvre toute la créativité nécessaire pour les aider à faire face à cette situation problématique de l’hétérogénéité en classe, « souvent perçue par les enseignants comme un défi insurmontable. » [1]
Catherine David a d’abord présenté la notion d'hétérogénéité comme une situation problématique. Les « classes de langues étrangères multilingues et multi-niveaux sont des situations didactiques complexes et fréquentes au sein de certains centres universitaires.» [1] Ces situations sont fréquentes car l’organisation de l'enseignement des langues étrangères (L.E.) en milieu universitaire fait souvent face à des problèmes d'effectifs, entrainant des stratégies d'économies budgétaires. Mais en pointant le problème du multilinguisme au sein de la classe, en ne se contentant pas de circonscrire le concept d’hétérogénéité à une problématique « multi-niveaux » des apprenants, Catherine David définit l'hétérogénéité comme l'agrégation, dans un seul groupe, d'un ensemble d'individus radicalement différents les uns des autres. C’est dans ce sens que s’impose, dans une certaine épistémologie de la didactique des langues étrangères (D.L.E.), la notion de complexité comme la cause essentielle expliquant l’existence nécessaire de l’hétérogénéité.
Certes, la seconde partie de cet article constatera que la notion d’hétérogénéité résulte aussi de l’observation empirique de la composition des classes. Elle s'observe dans la variété des niveaux de maîtrise de la L.E. par les apprenants, mais elle s’impose tout autant, quand il s’agit d’aborder la variété des besoins langagiers des apprenants ou des styles et des stratégies d’apprentissage, qui sont mis en œuvre lors de l’apprentissage.
Cependant, en présentant d'abord l’arrière-fond logico-théorique sur lequel se déploie la notion d’hétérogénéité, il sera possible de montrer qu’une nécessité logique suffit à elle seule pour justifier sa prise en compte. La première partie de cet article montrera en effet que, sous l'impulsion des travaux de Christian Puren, une certaine épistémologie de la D.L.E. accorde une place prépondérante à la notion d'hétérogénéité. Elle la relie à celle de complexité, définie par l'interprétation de l’école de Copenhague du principe d’incertitude de Werner Heisenberg (1927). Mais cette notion de complexité peut également se justifier par le nouveau dualisme onde-particule mis à jour par les travaux d’Albert Einstein (1909) et généralisé par Louis de Broglie (1924)
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Le concept logique d'hétérogénéité
1.1 Le réductionnisme classique et son inapplicabilité au vivant
1.1.1 Le réductionnisme de la mécanique classique
Au niveau théorique, il faut sans doute rappeler que la notion d'hétérogénéité n'a pu apparaître que tardivement dans l'histoire des sciences. En effet, pour échapper au chaos empirique du réel et créer un objet simple à étudier, il a d'abord fallu épurer les contenus transmis par l'appareil cognitivo-perceptif. Au niveau de l'approximation par lequel débute l'étude du monde macroscopique, les éléments composant un ensemble défini, ne sont identiques qu'une fois passés au prisme de la réduction. Ce processus met en jeu une simplification de la description des objets à un nombre réduit de paramètres. Autrement dit, l'identité des différents objets s'impose comme le résultat d'un processus élaboré d'identification.
Cette conception physique, inspirée par l'astronomie et l'observation du mouvements des objets célestes, a d'abord été inaugurée par les travaux de Galilée, Descartes et Newton. Elle a finalement été mise en système philosophique par Emmanuel Kant. Elle réduit tous les objets étudiés à leur masse et à leur position dans l'espace. Comme l'objet est dynamique, sa position dans l'espace est variable et il convient de la définir comme une force. Ainsi Gilles Cohen-Tannoudji pourra définir la science classique en mettant l'accent sur « la conception mécaniste du monde [...] essentiellement dualiste : ses deux concepts fondamentaux sont celui de point matériel et celui de force. » [2]
On appelle cette première approximation le « dualisme classique », car elle met en jeu deux qualités inséparables, nécessaires et irréductibles l'une à l'autre, pour décrire son objet d'étude.
1.1.2 Le déterminisme philosophique face à l'irréductibilité du vivant
Emporté par la force de l'habitude et fasciné par les applications techniques de ses découvertes, l'esprit scientifique finit par confondre ces réductions fonctionnelles, avec l'immense variété des objets individuels et leur description détaillée. Ainsi, au début du 19ème siècle, Simon Laplace imagine un déterminisme idéal qu'il extrapole de la causalité mécanique: « nous devons donc envisager l’état présent de l’univers comme l’effet de son état antérieur, et comme la cause de celui qui va suivre. Une intelligence qui pour un instant donné connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée et la situation respective des êtres qui la composent, si d’ailleurs elle était assez vaste pour soumettre ses données à l’analyse, embrasserait dans la même formule les mouvements des plus grands corps de l’Univers et ceux du plus léger atome : rien ne serait incertain pour elle, et l’avenir comme le passé serait présent à ses yeux. » [3] Le savant mathématicien suppose qu'à l'image des objets de l'astronomie newtonienne, tout dans l'univers peut être prévu mécaniquement.
Mais si l'élégante simplicité des mouvements célestes permet à Laplace d’envisager des prédictions idéales, elle ne fournit pas un instrument très adapté pour circonscrire l'exubérance du vivant. Ce constat du foisonnement naturel, fera désespérer Emmanuel Kant qui prédit qu'il n'y aura jamais de « Newton du brin d’herbe » ! [4] En multipliant les paramètres observables et quantifiables qui le composent, chaque individu biologique, pris individuellement et décrit dans sa totalité, reste irréductible à tous les autres. Même les jumeaux homozygotes ne sont pas absolument identiques.
Ainsi, la notion d'hétérogénéité dérive logiquement de la notion plus générale d'idiosyncrasie. Les objets macroscopiques individuels sont précisément considérés comme « des êtres ayant une identité unique » [1]. Ce constat de l'irréductibilité individuelle s'avère particulièrement incontournable, non seulement dans les domaines de la biologie et de la médecine, mais aussi dans des domaines afférents comme la psychologie et la pédagogie. Une approche linguistique mettra également l'accent sur l'aspect individuel de la production langagière, qui devient l'expression d'une identité individuelle (le style, l'idiolecte) : « il s'agit de ne plus considérer l'expression linguistique comme le reflet, la réalisation d'un système de pensée, mais de voir l'activité de langage comme l'une des composantes de la vie de l'individu qui est donc sans cesse modifiée. »[5]
Dans l’histoire moderne des sciences, le domaine du vivant, siège des mutations incessantes, s’est érigé comme le premier obstacle à une réduction à l’identique des objets étudiés.
1.2 Les révolutions scientifiques et le principe d'incertitude de Heisenberg
1.2.1 Le principe d'incertitude de Werner Heisenberg
Dans une conférence de 2017, Christian Puren présente la notion d'hétérogénéité comme une composante de la notion plus générale de complexité. Il se réfère à la notion clé au cœur des analyses développées tout au long de l'œuvre du sociologue Edgar Morin : « la complexité, ce n'est pas seulement penser l'un et le multiple, c'est aussi penser ensemble l'incertain et le certain, le logique et le contradictoire, et c'est l'inclusion de l'observateur dans l'observation . »[6]
On reconnaît dans la dernière partie de la citation du sociologue français (« l'inclusion de l'observateur dans l'observation ») une référence à la problématique soulevée par Werner Heisenberg et son principe d'incertitude, spécifiquement interprété par l’Ecole de Copenhague. Dans le monde microscopique et quantique, tel qu'il apparaît à partir de 1900 avec les travaux de Max Planck, quand on cherche à observer un corpuscule, il faut bien sûr l'éclairer. Or le photon du rayon de lumière (« le quanta d'énergie lumineuse » [7]), qui vient éclairer le corpuscule, crée une interaction avec ce dernier. En utilisant le langage commun de l'approximation macroscopique, on dit que le photon heurte et déplace le corpuscule. En partant de ce constat, Heisenberg formule en 1927 le principe d'incertitude. Il établit qu'« en observant on trouble toujours un peu ce que l’on veut observer. » [8] Il s'en suit qu’« une observation ne peut pas, par suite d’une loi fondamentale de la Nature, nous permettre de déterminer à la fois, avec une précision parfaite, la position et l’état de mouvement d’un corpuscule. »[8]
Le principe d'incertitude, issu de la nouvelle mécanique, constitue une critique très puissante contre le déterminisme laplacien. Cette critique pèse d'autant plus dans le débat logique, qu'elle est issue du propre domaine de la mécanique, dans lequel avait été forgé le concept de déterminisme. En effet, puisqu'on la change à chaque fois qu'on tente de la mesurer, il devient impossible de prédire avec certitude la trajectoire que suivra le corpuscule.
1.2.2 La complexité essentielle de l'objet
D'autre part, cette interférence systématique créée lors de l'observation de la particule, se conçoit aussi comme une impossibilité d'isoler l'un de l'autre les deux paramètres de vitesse et de localisation (les paramètres énergie-temps sont eux aussi corrélés). Si on décide de mesurer la position exacte de la particule, on perd alors toute information sur sa vitesse. Et inversement, la détermination exacte de sa vitesse entraîne l'impossibilité totale de sa localisation. La complexité déduite du principe d'incertitude ne doit pas se comprendre comme une complexité de la pensée commune. Cette complexité ne s'assimile pas à une accumulation de paramètres décrivant un objet très compliqué, qui exigerait énormément de temps et d'efforts pour être décrit totalement. Cette notion de complexité essentielle désigne cette impossibilité de mesurer simultanément toutes les grandeurs descriptives de l'objet.
Cette étrangeté de l'objet quantique pousse l'esprit à abandonner toute tentative de description concrète. Il devient impossible de recourir aux catégories du langage commun pour se représenter l'objet et son évolution. Heisenberg adopte alors le point de vue purement mathématique des probabilités pour décrire « l'état » essentiel de la particule : « on voit sur-le-champ que cet emploi du terme "état", particulièrement du terme « état coexistant », est si différent de l'ontologie matérialiste habituelle qu'on peut douter que l'emploi d'une telle terminologie soit commode. D'autre part, si on considère le terme « état » comme décrivant quelque potentialité plutôt qu'une réalité - on peut même remplacer le terme « état » par le terme "potentialité »- la conception de « potentialités co-existantes » est tout à fait raisonnable, puisqu'une potentialité peut contenir ou recouper d'autres potentialités. » [9]. La nouvelle ontologie de Heisenberg nait de cette nouvelle science apparue avec la fusion des mathématiques et de la physique1. Au sein de cette métaphysique non classique, une même réalité porte en elle d'autres réalités physiques potentielles. Ainsi le célèbre chat de Schrödinger est à la fois mort et vivant tant que l'observateur n'a pas ouvert la boite pour vérifier « l'état » du chat.
La Relativité einsteinienne permet aussi d'aborder la problématique de la complexité essentielle : « D'une manière générale, il semble que plus l'objet soit petit, mieux il réalise le complexe d'espace-temps, qui est l'essence même du phénomène. »[10]
Le principe d'incertitude de Werner Heisenberg renvoie aussi à deux aspects distincts du nouvel objet microscopique. Ces deux aspects permettent de se référer à un « nouveau dualisme » venant remplacer le « dualisme classique. » En cherchant à localiser précisément dans l'espace le corpuscule, on le considère comme un objet séparé. Mais si on cherche à déterminer sa quantité de mouvement, on prend alors en compte son aspect ondulatoire. En 1909, suivant les premières découvertes de Max Planck, Albert Einstein fut le premier à recourir à ce nouveau dualisme pour décrire le comportement des photons : « die beiden Struktureingschaften (Undulationstruktur und Quantenstruktur), welche gemäss der Planckschen Formel beide Strahlung zukommen sollen, nicht als miteinander unvereinbar anzusehen sind. 1» [7]
Les deux propriétés structurelles (structure ondulatoire et structure quantique) qui, selon la formule de Planck, sont supposées être dues aux deux rayonnements, ne doivent pas être considérées comme incompatibles entre elles.
En 1924, Louis de Broglie démontra qu'il fallait appliquer cette nouvelle conception à toutes les particules. Il confirma ainsi la validité d'une nouvelle mécanique ondulatoire, dans laquelle « on ne conçoit plus le point matériel comme une entité statique n'intéressant qu'une région infime de l'espace, mais comme le centre d'un phénomène périodique répandu tout autour de lui. »[10]
Ainsi la complexité essentielle de l'objet peut se comprendre de plusieurs manières. Elle apparait d'abord avec la nécessité de recourir à deux approximations complémentaires, ondulatoire et corpusculaire, pour décrire le comportement de l'objet. Les scientifiques se sont ensuite aperçus que la réalité actualisée de l'objet, n'excluait pas du champ de l'existence certaines potentialités exprimées mathématiquement. Enfin, le principe de Heisenberg démontre que des paramètres descriptifs de l'objet ne peuvent être déterminés séparément, la détermination précise de l'un entraînant l'ignorance totale de l'autre.
Niels Bohr proposa le concept de complémentarité pour résoudre ces contradictions apparentes.
1.2.3 La complémentarité de Niels Bohr
La première partie de la citation d'Edgar Morin mise en exergue par Christian Puren (« penser l'un et le multiple ») se réfère donc aux événements physiques démontrant des aspects de la même réalité habituellement incompatibles. Pour expliquer ces divers phénomènes contradictoires, et interprétés par la logique classique comme des anomalies, Niels Bohr propose de recourir à la notion de complémentarité.
Puisque le comportement d'une particule peut se décrire soit en utilisant un formalisme corpusculaire, soit à l'aide d'un formalisme ondulatoire, Niels Bohr imagina une stratégie discursive pour rendre compte de ces deux formes alternatives : « ce qui pousse à utiliser la complémentarité, c'est de ne pas arriver à rendre compte de la totalité phénoménale de la réalité étudiée à l'aide d'une seule théorie, mais qu'il faille recourir à deux points de vue incompatibles l'un avec l'autre.»[11]
Cette nouvelle approche s'avère tout à fait intolérable pour les habitudes de pensée basées sur la logique du principe de non contradiction. Cette notion de complémentarité permet d'« exprimer une approche radicalement nouvelle de la réalité physique au moyen d'un langage construit en ordonnant ensemble des éléments appartenant à la tradition scientifique mais auparavant séparés car contradictoire. »[11]
Le nouveau dualisme quantique, autant que le principe d'incertitude, considéré comme « la réunion de la réalité, de l'instrument d'observation et de leur interprétation »[11], pourraient avoir une vertu épistémologique. Interprétés dans le cadre de la théorie de la complémentarité, il permet de construire un ensemble théorique, que Niels Bohr suppose applicable à d'autres domaines que son domaine d'origine. Cette nouvelle approche théorique doit se montrer susceptible de donner une orientation à la recherche: « finalement, la notion de complémentarité [...] réussit à montrer comment une recherche doit être guidée. » [11]
1.3 L'interprétation orthodoxe et l'épistémologie des langues étrangères
1.3.1 La complémentarité
Reprenant la voie inaugurée par l'école de Copenhague pour interpréter la profonde étrangeté des événements physiques se déroulant au niveau quantique, Christian Puren élabore une épistémologie de la D.L.E., où la complémentarité s'érige en notion cardinale.
Dans son essai sur l'éclectisme, il écrit : « L’autre cas de reconnaissance de l’incertitude qui a marqué l’histoire récente des sciences exactes a été la théorie dite “de la complémentarité” de Niels Bohr, par laquelle il propose de mettre fin à la discussion concernant la nature ondulatoire ou corpusculaire de la particule, et de concevoir, contre le principe de non-contradiction de la logique classique, qu’elle est tantôt une onde, tantôt un corpuscule. Tirant les conséquences épistémologiques de sa théorie, ce physicien distinguait deux types de vérité, la vérité triviale, dont le contraire est évidemment absurde, et la vérité profonde, qui se reconnaît à ce que son contraire est aussi une vérité profonde. »[12]
Ce principe de mise en corrélation de deux « vérités contraires », permet per exemple à Christian Puren de décrire les différentes stratégies d'enseignement mises en œuvre par la méthodologie, adoptée par le manuel et le professeur, lors des activités en classe. En dressant un tableau récapitulatif, Christian Puren regroupe ces différentes stratégies didactiques en « couples de méthodes opposées.» [6] On trouvera ainsi les paires inductive-déductive, analytique-synthétique, directe-indirecte... Christian Puren expose en tout neuf couples de ces méthodes de travail. Il croit déceler dans ces corrélations une nécessité logique : « ce n'est pas par hasard si le seul mode possible de classement de toutes ces méthodes, c'est par paires opposées: pour gérer la complexité des relations entre les processus d'enseignement et d'apprentissage, il est indispensable en effet de disposer de manières de faire contraires, parce qu'elles pourront être de ce fait complémentaires » [6] 1
La confiance immodérée dans les capacités explicatives de cette obscure notion de complémentarité peut surprendre. Supposer un « seul mode possible de classement », laisse imaginer un principe immanent imposer par l'étude empirique, et relève d’une conception de l’unicité ontologique bien éloignée de la nouvelle ontologie inférée de l’observation des « potentialités coexistantes » décrite par Heisenberg. C'est la tradition rationaliste, inaugurée par E.Kant : « nous ne connaissons a priori des choses que ce que nous y mettons nous-mêmes » [13], qui a prévalu dans les travaux philosophiques de Planck, Einstein, Schrödinger et toutes les critiques envers l'interprétation orthodoxe de Niels Bohr, surnommé « le Rembrandt de la physique » par Louis de Broglie [14]. « Dans un livre court et percutant, le philosophe François Dagognet [15] s’emploie à démontrer minutieusement la subjectivité de nos catégories d’appréhension du monde. En citant Dubuffet [16], il rappelle également que d’un trait poétique, « l’hirondelle poignarde le ciel ». Dans ce cas « hirondelle » est un élément de la catégorie des objets pointus et perforant. « Le rôle de l’artiste et du poète est de brouiller les catégories communes » qui associent par habitude « hirondelle » à « cigogne ». Bref, la catégorie (linguistique ou pas) loin d’être une objectivité passive et résiduelle, porte dynamiquement le sceau d’une catégorisation, le fruit de l’imagination du sujet en action. » [17].
Christian Puren cherche aussi à démontrer la fécondité de la notion de complémentarité dans la description des stratégies d'enseignement dans l'histoire de la discipline. En abordant l'usage des innovations technologiques dans les cours de langues, Christian Puren utilise la notion de complémentarité comme une catégorie permettant de décrire et classifier l'usage des innovations technologiques quand celles-ci « sont mobilisées séparément et occasionnellement par les enseignants. »[18]
Dans l’épistémologie proposée par Cristian Puren, la complémentarité devient un principe d'organisation des phénomènes du processus d'enseignement. Elle offre une possibilité systématique de créer des catégories dont on attend, que chacune d'entre elle, possède une catégorie complémentaire.
1.3.2 La complexité
Du point de vue de l'organisation discursive et logique, la notion de complémentarité permet aussi d'introduire, dans un premier temps, la notion de complexité. La notion d'hétérogénéité en découlera dans un deuxième temps.
Cette notion de méthodes complémentaires, mène Christian Puren à développer la notion générale d'éclectisme dans l'enseignement, ancrant ainsi la notion d'hétérogénéité au sein des méthodologies encadrant les pratiques de l'enseignant : « on voit que la forte augmentation de complexité au niveau de la problématique de l’enseignement des langues s’est traduite aussitôt, au niveau de l’élaboration méthodologique, par l’apparition de la pluralité, de l’hétérogénéité, de la juxtaposition, de l’imprécision et de l’incertitude, caractéristiques qui, au niveau de la conception des matériels et des pratiques de classe, ne peuvent que produire mécaniquement des effets d’éclectisme »[12]
Sans pour autant reprendre à leur compte l'ensemble des aspects de l'interprétation de Niels Bohr, d'autres auteurs partagent cette analyse pointant l'importance fondamentale d'une phénoménologie de l'irréductibilité individuelle en classe. Castellotti et Moore plaident aussi pour la nécessité « d'imaginer et de réinventer une didactique de la diversité et de l'hétérogénéité, du mouvement et du composite, du paradoxe et de la différence.» [19]
Ainsi, en didactique des langues, la notion d'hétérogénéité, apparait aussi comme une conclusion déduite d’un cadre théorique. Elle s'impose comme une nécessité logique découlant de l'extension de concepts issus d'une interprétation très spécifique des bouleversements scientifiques et logiques du début du 20ème siècle. Une fois constituée en catégorie autonomisée, elle permet d'informer les observations empiriques. Ainsi, l'hétérogénéité s'impose comme un outil incontournable pour décrire les comportements des apprenants en classe.
La plus grande partie du séminaire de Catherine David a justement présenté, aux participants du séminaire, une hétérogénéité centrée sur l'apprentissage.
2. Le concept d'hétérogénéité
2.1 Constat général d'hétérogénéité
En observant en classe les comportements révélateurs des compétences des apprenants, on s'aperçoit que l'hétérogénéité ne relève pas uniquement de considérations théoriques, mais qu'elle est avant tout une réalité empirique. A elle seule, elle justifie une prise en compte de la complexité de la situation en classe, puisqu'on ne peut réduire les performances des apprenants à un modèle unique.
Au début des années 1980, René Richterich décrivait une impossibilité technique d’atteindre l’idéal laplacien : « Enseigner et apprendre quelque chose sont des processus qui dépendent de tant de facteurs, dont certains incontrôlables, qu'il est illusoire de prétendre en prévoir tous les mécanismes. » [19] Se situant au niveau de la perception, René Richterich décrit une complexité, non pas du point de vue logique, mais conçue comme une nécessité factuelle, découlant de la multitude de « facteurs, dont certains incontrôlables. » A partir d'un constat empirique, René Richterich rejoint les conclusions du principe d'incertitude de Werner Heisenberg qui anéantissait toute prétention à une prédiction absolue de l'évolution des événements. La didactique des langues partage alors avec la mécanique quantique l'impossibilité d'atteindre un déterminisme absolu. Cette impossibilité résulte non seulement d'insuffisances théoriques ou pratiques de la science didactique ne pouvant contrôler techniquement l’ensemble des paramètres, elle est aussi l'affirmation positive de la conséquence logique d'une hétérogénéité par principe.
Mais l'hétérogénéité, qui s'impose comme un principe général pour décrire les apprenants, ne s'observe pas seulement au niveau de la variation de leur connaissance et de leur maîtrise de la langue cible, même si cette dernière reste la plus intuitive et la plus simple à saisir pour la pensée commune. Pour montrer toute l'efficacité de cette notion pour décrire l'ensemble des comportements d'apprentissage, Catherine David rappelle que Huver et Belondo [21] ont identifié trois grandes catégories décrivant l'hétérogénéité :
- sociale (entre autres, les cultures d'apprentissage liées au modèle éducatif suivi),
- cognitive (la manière d'apprendre de chacun, le profil d'apprentissage, les représentations mentales),
- linguistique (le capital linguistique et les nationalités.) [22]
L'hétérogénéité apparaît inévitablement quand l'observateur cherche à brosser le portrait des apprenants en décrivant les pratiques ou les « expériences langagières » [23] qu’on peut définir comme « les manifestations résultantes dans les activités de langage de l'interaction des différents facteurs linguistiques, psychologiques, sociologiques, culturels, éducatifs, affectifs... qui sont constitutifs des caractéristiques individuelles et de groupe. » [5]
Ainsi, la variabilité des profils des apprenants s'observe quelque soit le paramètre descriptif choisi. Plus encore, le nombre de ces paramètres parait illimité. On ne voit aucune nécessité rationnelle qui viendrait logiquement imposer une limite. Le didacticien pourra donc à loisir les accumuler.
S'il est toujours possible d'imaginer des objectifs à atteindre partagés par l'ensemble des apprenants, la tâche semble bien insurmontable quand on cherche à réduire ces mêmes apprenants à un hypothétique profil unique et idéal. La didactique des langues partage donc un nouveau point commun avec la mécanique quantique. La facilité descriptive offerte par le réductionnisme semble exclu dans tous les cas.
2.2 Hétérogénéité des besoins langagiers
D'autre part, Catherine David explique également que la classe hétérogène se compose d'apprenants dont les différences peuvent concerner l'âge, le sexe, le parcours scolaire, le talent, les dimensions sociales, socio-économique... Ces différences dans les contextes et les histoires de vie, menant à des constructions individuelles variées, permettent d'accentuer une variété parmi les besoins langagiers des apprenants.
À une époque de grandes migrations, un exemple remarquable d'hétérogénéité s'observera certainement dans une classe de migrants issus d'horizons radicalement différents. Dans ce cadre, « la question de l’identification des besoins langagiers des adultes migrants tend à refaire surface dans le champ des formations linguistiques.» [24] Dans le cadre d'une approche actionnelle de l'enseignement des langues, qui construit les unités didactiques autour de la notion d'actes de langage [25], les besoins langagiers « sont définis aujourd’hui par «les situations de communication (orale et écrite) que les migrants adultes concernés souhaitent devenir capables de gérer ou que l’on veut qu’ils soient capables de gérer.»[24]
Une des premières définitions du besoin langagier avait déjà été donnée par René Richterich dès le siècle dernier : « le besoin est lié à l’idée de nécessité. Peu importe que celle-ci soit relative et variable selon les individus et leurs relations avec leur environnement, le besoin, quel qu’il soit, fait toujours penser à ce qui est primordial à la vie de l’être humain, comme par exemple, la nourriture, l’oxygène, la sexualité. »[20]
Cette définition semble d'abord impliquer une variabilité irréductible des besoins langagiers spécifiques à chaque apprenant. Et par la suite, elle renforce l'idée de l'impossibilité d'un quelconque réductionnisme. Cependant, il n'est certainement pas anodin de remarquer que la création de ce concept, décrite par René Richterich, tend à montrer que l'esprit scientifique procède effectivement par réduction. Quelque soit la diversité des apprenants, ils ont tous en commun la capacité d'être réduit à leurs besoins. Une fois toutes les variables non pertinentes abandonnées, il reste un caractère commun partagé par tous les individus de l'ensemble étudié. Ce caractère commun, voire universel, constitue la base empirique sur laquelle se construit un concept ou une catégorie1.
En prenant comme exemple la classique grille de Quintilien, j'ai essayé de montrer que les méthodes actives de lecture sont aussi le résultat d'une réduction des textes à des catégories essentielles [17]
En adoptant le point de vue de l'enseignant et des programmes d'éducation, ces besoins langagiers de l'apprenant apparaissent aussi comme les objectifs pédagogiques assimilés aux actes de paroles [25]. René Richterich met l'accent sur l'importance de l'évaluation quantifiable des objectifs dans l'histoire de la didactique des langues étrangères : « cette volonté de mieux gérer l'action éducative en définissant rigoureusement toutes ses démarches est l'une des caractéristiques de la pédagogie de cette seconde moitié du vingtième siècle. »[20]
Là encore, il semble que la notion d'hétérogénéité finisse par s'imposer. En citant les travaux d'Abou Fofana [26], Catherine David remarque qu'on peut dès lors distinguer « l'hétérogénéité dans les programmes, au niveau des élèves et au niveau de la situation didactique. »[1] Le travail de l’enseignement se transforme en défi : comment satisfaire simultanément l’ensemble des besoins langagiers des apprenants ?
2.3. Hétérogénéité des stratégies et des styles d'apprentissage
On décèle aussi l'hétérogénéité en observant les variations dans les stratégies et les styles individuels d'apprentissage. Dans ce domaine, on peut encore constater que « tout est sujet à appropriation différenciée parce que tout mobilise la totalité de l'individu. »[5]
Ces stratégies individuelles d'apprentissage sont d'abord apparues implicitement dans les mouvements d’éducation nationale s’opposant à l’hégémonie de l’empire unilingue. Délaisser les obscurités latines, et recourir à sa propre langue maternelle pour découvrir le monde, est très tôt apparu comme un principe s’érigeant en pilier dans la pensée didactique du penseur tchèque Coménius (Divadlo veškerenstva věcí (Théâtre de l'universalité des choses), 1616.) Dans un scope philosophique différent, la stratégie du recours à la langue maternelle, pour la construction et la diffusion des savoirs, était partagée par Descartes (Le discours de la méthode, 1637) ou Galilée (Dialogo sopra i due massimi sistemi del mondo (Le dialogue sur les deux grands systèmes du monde), 1632.)
A une époque plus proche, la multitudes de ces stratégies d’apprentissage fut répertoriée et décrite en détail par Rebecca Oxford. Elle les a définies comme « des actions spécifiques prises par l'apprenant afin de rendre l'apprentissage plus facile, plus rapide, plus agréable, mieux dirigé, plus efficace, et mieux transposable à d'autres situations.»1 [27]
Specific actions taken by the learner
to make learning easier,
faster, more enjoyable,
more self-directed,
more effective,
and more transferrable to new situations.
O'Malley et Chamot proposèrent de classer ces stratégies dans une typologie comportant trois grandes catégories :
a - métacognitives, engageant une réflexion sur le processus d'apprentissage, sa planification, surveillance et son auto-évaluation ;
b - cognitives, qui consistent en la manipulation mentale ou la transformation des matériaux ou des tâches, dans le but d'améliorer la compréhension, l'acquisition ou la rétention des contenus de l'apprentissage ;
c - affectives et sociales, comme recours aux interactions sociales pour aider à l'apprentissage, ainsi que le contrôle mental sur l'affect personnel qui interférait avec l'apprentissage. [28]
Parmentier et Romainville précisent que « les stratégies sont des activités dans lesquelles l’apprenant s’engage de manière consciente. Elles sont au minimum accessibles à la conscience, explicitables. Elles peuvent être l’objet de verbalisations. » [29] L'aspect « conscient » de la stratégie et la capacité de l'apprenant à les « verbaliser » sont primordiales dans un processus qui lui permettra d'accéder au niveau métacognitif. C'est ainsi qu'il construira une réflexion sur ses propres stratégies d'apprentissage et sera capables de les améliorer.
Cette capacité de prendre conscience de la stratégie d'apprentissage mène immédiatement l'apprenant à se pencher sur la finalité de la stratégie choisie. Parmentier et Romainville mettent en avant qu'« elles sont par définition orientées vers un but. Les stratégies ne sont pas accidentelles : l’étudiant les met en œuvre pour atteindre un but, un objectif défini en termes de processus, de résultat ou de performance. »[29]
Rétrospectivement, l'objectif défini permettra à l'apprenant d'envisager les étapes nécessaires à sa réalisation : « une stratégie est plus une séquence d’actions qu’un événement isolé. La notion de stratégie suppose que l’apprenant mette en œuvre une suite ordonnée d’actions.»[29]
La description détaillées des stratégies d'apprentissage, ainsi que leur mise en œuvre par l'apprenant, permet encore de saisir l'étendue du phénomène, et à quel point il est soumis aux variations individuelles. Dans ce cas précis, l'hétérogénéité nait de l'augmentation exponentielle des possibilités offertes à l'apprenant de combiner différemment les objectifs, les stratégies et leurs étapes, pour les atteindre.
Non seulement, on constate que le nombre élevé des paramètres décrivant le processus d'enseignement et d'apprentissage ne semble pas connaître de limite, mais on peut encore simplement le multiplier par deux. En effet, Christian Puren remarque que l'hétérogénéité peut être
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de degré : les apprenants sont plus ou moins motivés, ou
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de nature : les apprenants adoptent des comportements différents [6]. Ces derniers comportements différents lors de l'apprentissage se laissent assimiler à des styles d'apprentissage.
Même s'il existe différentes manières de catégoriser les styles d'apprentissage, Chevrier et alii rappellent que le travail de David Kolb a mis en lumière des facteurs comme les expériences passées et les variations de l’environnement orientant les individus vers des styles d’apprentissage différents [30]. David Kolb précise que le cycle d’apprentissage comporte quatre phases: l’expérience concrète, l’observation réfléchie, la conceptualisation abstraite et l’expérimentation active [30]. Chacune de ces phases implique que l'apprenant adopte un certain mode de mise en œuvre, qu'il juge adapté à la situation, et qui lui est propre en intensité, ou en combinaison avec d'autres techniques. Un style d'apprentissage individuel est donc la façon dont l'apprenant privilégie certains modes d'expérience au détriment des autres.
Ces définitions montrent à quel point les stratégies d'apprentissage, comme les styles d'apprentissage, sont des comportements, conscients, relevant de la volition des individus, soumis à de nombreuses variations et dépendants autant des objectifs que des habitudes cognitives de l'apprenant2.
Dans une recherche de 2010, j'ai pu montrer que les stratégies mises en œuvre par les apprenants varient également entre générations. [31]
Encore une fois, de leur choix initial au mode de la mise en place des procédures d'apprentissage, tout renvoie à l'irréductible idiosyncrasie de l'apprenant.
Conclusion
Catherine David préconise la mise en place d'une pédagogie différenciée pour résoudre les problèmes posés par l'hétérogénéité en classe.
Même si la notion de pédagogie différenciée ne se confond pas avec celle de pédagogie ouverte, elle ne reste pas moins l'héritière de l'idée d'une éducation pour tous déjà élaborée au 17ème siècle par Coménius.
Dans l'introduction de sa Grande didactique - Didactica Magna (1638), le grand pédagogue présente un « traité de l’art universel d’enseigner tout à tous, ou le moyen sûr et soigneusement établi d’instituer dans toutes les communes, dans toutes les villes et dans tous les villages de n’importe quel pays chrétien, des écoles telles que toute la jeunesse des deux sexes, sans excepter personne nulle part, puisse être formée aux belles lettres et aux sciences. »
Etienne Krotky rappelle que le « développement simultané [ de tous les enfants, doués et déficients] constitue l'objet de l'éducation. » [32] Pour préparer l'enseignant dans sa gestion des différences individuelles, Comenius a « esquissé une véritable théorie des caractères. »[32]
Dans tous les cas, dans une optique contemporaine, l'objectif de l'enseignant est de trouver pour chaque compétence de l'apprenant sa zone proximale de développement [33]. Pour atteindre cet objectif, la première étape de la démarche de l'enseignant, face à une classe hétérogène, consiste en l'évaluation du niveau du groupe et des étudiants [18].
La différence de niveau peut résider entre les apprenants : dans un même groupe, on trouve réunis des apprenants de différents niveaux A1, A2... Cette évaluation relève du niveau inter-individuel.
Il est nécessaire de compléter cette première étape de l'analyse par une évaluation intra-individuelle. En effet, un même apprenant peut démontrer des niveaux différents entre différentes compétences.
Cette évaluation des niveaux par compétences doit permettre l'élaboration de contenus différenciés, mais surtout de processus différenciés (des manières de travailler et d'accès au sens différents), de structures des exercices, et le temps qui leur est consacré, et enfin de contextes de production également différenciés et adaptés.
Les approches différenciées ne sont pas condamnées à se limiter à des approches personnelles. Elles peuvent s'appliquer directement à un travail en groupe. La production d'un document, ou la réalisation d'un projet commun, permet à chaque apprenant de réaliser une tâche adaptée à son niveau. Cette tâche individuelle viendra cependant compléter un travail collectif.
Ainsi, déduite purement logiquement, ou imposée par des constatations empiriques, le problème de l'hétérogénéité trouve sa solution. Elle implique la mise en place d'une pédagogie différenciée offrant, à chaque apprenant les voies les plus adaptées à la réussite de son apprentissage.
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