La Norme ou l’oxymore de Procuste : Darwin et la cybernétique
Procuste est un personnage de la mythologie grecque. Fils de Poséidon, il est marié à Sillée et est le père nourricier de Sinis, lui aussi fils de Poséidon, vivant à Corrydalle dans l’Attique (en Grèce). Procuste contraignait les voyageurs qu’il accueillait à se coucher sur un lit ; il leur coupait les membres trop grands dépassant du lit et étirait les pieds de ceux qui étaient trop petits (une pratique sexuelle en est née, mais loin de notre propos…).
Par
S’agit-il d’une déviance devenue mythe, comme la mythologie grecque en compte tant, et qui tient en une sublimation de la représentation que les anciens Grecs se faisaient du monde ? Tous les travers de l’humanité y sont passés, galvanisés par des mises en scènes déifiées.
Ainsi AFNOR puis le CSTB ont un saint Patron, celui qui inspire toute régulation architecturale urbaine et humaine à l’intérieur d’un système où rien ne doit dépasser.
Le contrôle de l’équilibre des villes suppose également que rien ne dépasse, ni les bâtiments hors des normes fixées, quartier par quartier, aux noms si poétiques : NA, NUAb, UAb, etc., ni les utilisations abusives de l’espace public, ni les transformations d’usages des constructions, sans demander en due forme sur CERFA n° 13406*06 le droit de transformer son logement en bureau.
Toutes ces contraintes Procustiennes opèrent sur nous sans provoquer les torrents de protestations qu’elles devraient, anesthésiés que nous sommes par la gravure indélébile de la Norme dans nos gènes d’Homo urbanus actifs.
La question demeure de savoir de quelle autorité, ou autocensure, s’opère le feu d’artifice réglementaire qui nous gère.
Le pouvoir municipal actuel n’est qu’une survivance de stigmates anciens et dont l’évolution se fait à travers différentes sphères issues de ce qu’on appelle le progrès, et qui peut se résumer entre les actions d’acteurs urbains et les réactions qu’elles provoquent chez d’autres acteurs urbains, tempérées par ce qu’il est convenu de qualifier par la «sphère administrative». En d’autres termes : la lutte de pouvoir dans la ville entre la spéculation foncière et les classes populaires, entre l’espace public et l’espace privé, est arbitrée par l’administration.
C’est la sublimation de la violence qui se lit à travers l’accumulation de Procès-Verbaux (27 000 000 en 2017, automobiles y compris), qui sont la première des armes de l’administration. Ce qui évoque un peu le comportement syllogomaniaque de certains petits singes des bords du lac Malawi au Sud-Ouest de la Tanzanie. Ce singe accumule, pour des raisons obscures, les fleurs des régimes de bananes dont il se nourrit.
Un marquage pour sa progéniture de son passage sur terre par le nombre des fleurs séchées dont il garnit son nid ? Une manière de compter le temps ? Ou un effluve de nostalgie à l’idée du souvenir de jouissance que lui procure la banane ?
L’autorégulation en matière urbaine n’existe (en fait) pas ou peu, n’en déplaise à Wiener (Norbert Wiener – né le 26 novembre 1894 à Columbia Missouri, États-Unis, mort le 18 mars 1964 à Stockholm, Suède – mathématicien américain, théoricien et chercheur en mathématiques appliquées, surtout connu comme le père fondateur de la cybernétique).
La cybernétique est la discipline unifiée des domaines de l’automatique, de l’électronique et de la théorie mathématique de l’information, en tant que «théorie entière de la commande et de la communication», aussi bien chez l’animal que dans la machine.
La science des analogies maîtrisées entre organismes et machines est à l’origine d’un volet important de l’informatique et de l’intelligence artificielle susceptible de gérer l’autocontrôle d’une façon générale. Sauf en matière de développement urbain, où les modélisations n’ont pas eu le succès espéré tant elles ne gèrent pas ce que les situationnistes appelaient la ‘psychogéographie’ comme point de départ de la pensée urbaine : la mise en relation d’un cadre urbain et les conséquences qu’il a sur notre comportement.
L’autocontrôle, c’est aussi le régulateur à boules inventé par James Watt en 1848. Il s’agit d’un système permettant de réguler la vitesse de rotation d’une machine à vapeur, l’une des premières expérimentations du contrôle de l’ouverture d’une vanne par un stimulus extérieur : plus les boules tournent vite, plus les bras s’écartent et plus ils peuvent agir sur le flux de vapeur ; une vraie merveille.
Faisons un point : quel rapport avec Darwin et la dimension organique de la ville ? Tout corps organique s’autorégule puisqu’il naît, vit et meure, seul, répondant à un programme codé qui, à quelques variables anecdotiques près, prévoit avec précision les étapes du développement qui conduit à la mort.
Pourquoi alors opposer Darwin et Wiener sur la régulation urbaine ? Qu’ont à voir les statistiques sur les PV (comme indice de la violence urbaine) et les codes du génome urbain ?
C’est là un vaste sujet qui s’ouvre pour nos futurs travaux : la lutte acharnée entre la biologie et la cybernétique en matière urbaine fera l’essentiel des chapitres à venir l’année prochaine.
L’encodage du génome urbain évolue en fonction de la vitesse de rotation des boules de Watt !
François Scali
https://chroniques-architecture.com/norme-oxymore-de-procuste/