Le problème de la féminisation
Madame "la" ministre: querelles à l'Assemblée sur la féminisation des titres
Ministre ou présidente, la féminisation des titres suscite toujours des querelles à l'Assemblée nationale, certains élus de droite continuant de la refuser, au grand dam de la gauche.
Lors du débat autour du projet de loi sur l'égalité femmes-hommes cette semaine, la ministre Najat Vallaud-Belkacem s'est vue ainsi qualifier plusieurs fois de "Madame le ministre" par des élus UMP, suscitant de vifs échanges.
"Cher collègue, je vous suggère de prononcer cette phrase sans difficulté: +Mme le ministre est enceinte+. Essayez ! Vous verrez: c'est difficile", a lancé, sous les rires des socialistes, la députée communiste et ancienne ministre Marie-George Buffet à l'UMP Jean-Frédéric Poisson. Et ce dernier d'assurer: "J'y arrive très bien".
Et les socialistes Axelle Lemaire puis Barbara Romagnan de traiter ensuite des membres de l'UMP de "Monsieur la députée".
Par l'usage du masculin dans la totalité des titres, "je pense que vous voulez rendre les femmes invisibles", a considéré la présidente de la Délégation aux droits des femmes de l'Assemblée, Catherine Coutelle (PS).
"A l'Assemblée, nous sommes des hommes libres et des femmes libres. Personne ne peut imposer à l'autre un vocabulaire qu'il ne souhaite pas employer, d'autant qu'en français, la fonction prime sur le genre" et qu'il n'y a pas, comme en latin, "de troisième genre, de neutre", s'est exclamé Nicolas Dhuicq (UMP), suscitant des applaudissements dans son groupe.
En novembre, le jeune député UMP Gérald Darmanin, qui avait parlé de "madame le ministre" pour évoquer Geneviève Fioraso, avait suscité des protestations du député PS Sébastien Denaja. "Je dirai à M. Denaja qu'il aille voir le dictionnaire de l'Académie française et il verra que dans ce cas elle est sexiste", avait-il riposté.
L'Académie à la rescousse
Et l'usage du masculin ne fait pas moins débat pour les présidentes, de séance ou de commissions.
Mi-janvier, lors des débats sur le logement, les "Madame le président" par lesquels l'UMP Julien Aubert a salué la socialiste Sandrine Mazetier siégeant alors au "perchoir" ont entraîné de la part de cette dernière cette réplique immédiate : "Monsieur la députée, vous étiez la dernière oratrice inscrite. La discussion générale est donc close".
A l'automne 2012, Cécile Duflot avait eu un échange aigre-doux similaire avec l'ancien président UMP de l'Assemblée nationale Bernard Accoyer. "Je suis une femme. Je vous prierai donc de m'appeler +Madame la ministre+", lui avait lancé l'écologiste. "Sinon, je me verrai dans l'obligation de vous appeler (...) +Monsieur la députée+".
"La sphère politique a oublié qu'en France, c'est l'Académie Française qui fixe, depuis 1635, les règles de l'usage du français" et "depuis les années 80, la gauche gouvernementale a contesté sans le dire cette prérogative en voulant politiser le langage et le modifier +à sa guise+", avait déploré ensuite le député sur son blog.
Non seulement "féminiser un titre n'a jamais fait reculer d'un iota le machisme", selon lui, mais "lorsque deux orthographes, deux grammaires commencent à circuler (...) il se produit un risque de destruction du langage commun".
Ancienne, la polémique avait démarré en 1984 lorsque la ministre déléguée chargée des Droits de la Femme, la socialiste Yvette Roudy, avait créé une commission pour la féminisation des noms présidée par Benoîte Groult, initiative critiquée par l'Académie française.
Après une première circulaire du Premier ministre PS Laurent Fabius en 1986, une autre de Lionel Jospin en 1998 a prôné le féminin "pour les noms de métier, fonction, grade ou de titre". L'Académie s'y était encore montrée défavorable au motif que la "fonction ne peut être identifiée à la personne qui l'occupe".
"Une circulaire, rien de plus", a considéré mardi l'UMP Marie-Christine Dalloz. "Un texte juridique", a répliqué la socialiste Joëlle Huillier, sa collègue Elisabeth Pochon épinglant des "résistances dérisoires".
http://www.lepoint.fr/societe/madame-la-ministre-querelles-a-l-assemblee-sur-la-feminisation-des-titres-24-01-2014-1783900_23.php
LOI SUR LA FEMINISATION DES NOMS
1. LA COMPÉTENCE DES INTERVENANTS ET LE STATUT JURIDIQUE DE LA LANGUE
1.1. La compétence de la commission générale de terminologie et de néologie
1.2. La compétence du gouvernement
1.2.1. Le statut juridique de la langue
1.2.1.1. La langue est un attribut de la souveraineté
1.2.1.2. La langue est l'instrument de la liberté individuelle1.2.2. Les limites à l'interventionnisme gouvernemental
1.2.2.1. Une consultation paradoxale
1.2.2.2. La portée restreinte d'une terminologie officielle
1.2.2.3. Une évolution linguistique dans la dépendance de l'usage
1.1. La compétence de la commission générale de terminologie et de néologie
La compétence de la commission générale de terminologie et de néologie1 pour répondre à la saisine du Premier ministre ne résulte pas d'une disposition particulière des textes qui la régissent, mais de sa compétence générale.
Par le décret du 3 juillet 1996, le gouvernement s'est privé du pouvoir de décider par arrêté ministériel du choix des termes à utiliser pour exprimer des notions et réalités nouvelles. Il a confié, en l'encadrant par une procédure particulière, cette mission à la commission générale de terminologie et de néologie. Cette dernière est chargée de concourir à la diffusion des termes approuvés, afin de sensibiliser le public à l'évolution de la terminologie. Il lui revient cependant aussi d'assumer une fonction plus générale de veille terminologique, de recensement des besoins des usagers, d'observation des évolutions linguistiques en liaison avec les commissions spécialisées et avec les organismes de terminologie des pays francophones et des organisations internationales.
Aux termes des articles 1 et 8 du décret du 3 juillet 1996, elle peut être consultée sur toutes les questions intéressant l'emploi de la langue française. La saisine du Premier ministre ne porte d'ailleurs pas sur une liste de termes approuvés et publiés au Journal officiel, mais sur une étude générale. Elle s'adresse donc à la commission en tant qu'autorité indépendante, qualifiée pour mener une réflexion et susceptible de rendre un avis motivé sur la question qu'il lui soumet, au-delà des règles de procédure prévues par le décret de 1996.
1.2. La compétence du gouvernement
Si la compétence de la commission est ainsi établie et délimitée, l'objectif poursuivi par le gouvernement continue de poser un problème de compétence dès lors qu'il porte non sur les éléments d'une politique de la langue, ni sur l'emploi et le rayonnement du français, mais sur ses formes. Il importe, en effet, de distinguer, comme l'état du droit impose de le faire, les normes applicables à l'emploi de la langue (la prescription de l'usage de termes existants adéquats ou la prohibition de termes étrangers par exemple) de celles applicables à ses formes, qu'il s'agisse des règles sémantiques (présence ou absence d'un terme féminin spécifique par exemple) ou morphologiques (comme le sont les règles générales de la formation du féminin).
à la lumière de cette distinction, il est clair que le gouvernement ne régit pas les formes de la langue et que la marge de liberté dont il dispose pour imposer l'usage de certaines appellations féminines demeure restreinte par le statut juridique de la langue. Il convient donc d'apprécier les compétences qui lui sont dévolues en matière de politique linguistique.
1.2.1. Le statut juridique de la langue
En droit français, la langue dispose d'un statut qui trouve son fondement dans les articles 2 de la Constitution et 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Il limite le champ possible d'une terminologie officielle obligatoire. Le pouvoir politique ne dispose ainsi sur la langue que d'une autorité réduite et ses initiatives ne sauraient excéder ses compétences.
1.2.1.1. La langue est un attribut de la souveraineté
Aux termes de l'article 2 de la Constitution, « la langue de la République est le français »2. Il en résulte que la langue ne peut être considérée simplement comme un outil au service de la communication individuelle. Elle s'impose aux pouvoirs publics et offre aux membres du corps social un instrument de formulation de la volonté générale. La langue est d'abord un attribut de la souveraineté et doit donc être protégée en tant que telle3.
Ce principe constitutionnel trouve aussi sa traduction dans l'existence d'une politique linguistique vigilante, dont le législateur a jeté les bases depuis 25 ans. La loi du 4 août 1994 confirme ainsi la volonté de maintenir le français comme élément de cohésion sociale. Parmi les moyens mis en oeuvre, elle définit les cas d'emploi obligatoire du français, afin de garantir aux citoyens le droit de faire utiliser leur langue dans un certain nombre de circonstances de leur vie courante et professionnelle.
La Constitution légitime donc l'intervention étatique en matière linguistique, mais elle en circonscrit le domaine à la présence et à l'emploi de la langue, à l'exclusion de son vocabulaire. Celui-ci relève, en effet, du principe constitutionnel de la liberté d'expression.
1.2.1.2. La langue est l'instrument de la liberté individuelle
L'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que « libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». La liberté d'expression est ainsi élevée au statut de liberté fondamentale « d'autant plus précieuse que son existence est une des garanties essentielles du respect des autres droits et libertés », comme le remarque le Conseil constitutionnel4, et notamment de la liberté de penser.
Les formes de la langue relèvent, par voie de conséquence, de la liberté individuelle. Chacun dispose, en effet, d'un droit absolu de choisir les termes qu'il juge appropriés à l'expression de sa propre pensée5. Une police des mots est difficilement concevable et ne pourrait s'appliquer ni se faire respecter, à moins de mettre en place des formes poussées de totalitarisme. La vie privée constitue, sans conteste, un espace de liberté et le langage familier fait partie de ces actes indifférents, soustraits par nature à l'intervention du pouvoir politique.
S'il revient au législateur, ainsi que l'a confirmé le Conseil constitutionnel, « d'imposer dans les cas et conditions qu'il a prévus l'usage de la langue française », cette législation reste toutefois soumise à conditions. Les restrictions à la liberté d'expression protégée par la Constitution ne doivent pas être de nature à porter atteinte au principe même de cette liberté, ni à aucun autre principe de valeur constitutionnelle. Le Conseil a ainsi considéré que l'usage de la langue française ne pouvait pas exclure l'utilisation de traductions et que devaient être censurées des contraintes, imposées aux enseignants et chercheurs, de nature à porter atteinte à la liberté d'expression dans l'enseignement et la recherche.
La loi du 4 août 1994 et la décision de principe du Conseil constitutionnel ont donc bien permis un mode d'intervention sur la langue plus conforme à l'esprit des institutions en mettant dans les mains d'une commission indépendante la compétence, auparavant dévolue au ministre, d'élaborer et de publier une terminologie officielle, après le processus d'adoption défini par le décret du 3 juillet 1996. Cette terminologie, qui est une forme de réglementation du contenu de la langue, ne saurait pourtant avoir de force obligatoire, en vertu de l'article 2 de la Constitution, qu'à l'égard des personnes morales de droit public et des personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public.
L'État a ainsi précisé, sous l'autorité du juge constitutionnel, l'étendue de ses propres compétences en matière de politique linguistique. Loin de renoncer à défendre la langue de la République en imposant à tous son usage obligatoire dans certains domaines, il doit assumer sa mission sans contraindre abusivement les libertés individuelles. Il lui faut pour cela renoncer à normaliser autoritairement les formes de la langue, alors même qu'il en réglemente pour partie l'emploi.
1.2.2. Les limites à l'interventionnisme gouvernemental
Le gouvernement ne prétend pas régenter les usages individuels mais les pratiques du secteur public. Cependant, la consultation engagée à cet effet n'en reste pas moins paradoxale et son impact est d'emblée limité par la faible portée qu'aurait une terminologie officielle qui ne recevrait pas la consécration de l'usage.
1.2.2.1. Une consultation paradoxale
Au moment où le gouvernement saisit la commission, il demande simultanément aux administrations de procéder sans attendre à une féminisation des titres et des fonctions. Au travers de la circulaire publiée au Journal officiel, le gouvernement laisse, d'une part, au cadre normatif en vigueur (terminologie officielle et usage) le soin de déterminer les conditions de formation du féminin dans les cas d'espèce. D'autre part, il ouvre aux administrations la possibilité d'anticiper sur les résultats de l'étude, selon une méthode qui consiste à procéder empiriquement, à mesure que les problèmes se posent et sans ligne de conduite ferme.
Ainsi, certains décrets de nominations portent d'ores et déjà mention de la ministre ou de la directrice. Le décret du 11 juin 1997 relatif aux attributions du ministre de la culture et de la communication, porte-parole du gouvernement, maintenait l'appellation le ministre, même si le ministre en question demandait explicitement à son administration d'utiliser la dénomination Madame la Ministre de la culture et de la communication, porte-parole du gouvernement. À l'inverse, trois décrets du 17 décembre 1997 portant nomination d'une directrice à l'administration centrale, ainsi que les décrets du 19 décembre 1997 pris pour l'application du décret relatif à la déconcentration des décisions administratives individuelles, font référence dans leur titre, dans le corps des articles et dans les signatures aux ministres concernés en féminisant leurs titres (la ministre de...), alors que les articles d'exécution des décrets ne comportent pas systématiquement cette féminisation. La position du Secrétariat général du gouvernement, chargé de préparer les décrets et les arrêtés de nomination, paraît déstabilisée, tandis que la cohérence et la continuité juridique des textes réglementaires peuvent sembler menacée par la mention du sexe de leur auteur.
Il aurait sans doute été plus sage de se garder de toute précipitation tant que la portée d'une telle entreprise n'était pas précisée. à cet égard, l'invitation du Premier ministre n'a pas toujours été interprétée avec prudence puisque, par un récent avant-projet de circulaire, le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie invitait son département ministériel, sans attendre les résultats du présent rapport, à adopter un comportement novateur en procédant sans plus attendre à une adaptation du vocabulaire en usage dans son département. Cette impatience risquait de bousculer le calendrier initialement prévu par le Premier ministre, qu'une concertation in extremis a permis toutefois de rétablir.
1.2.2.2. La portée restreinte d'une terminologie officielle
Le dispositif d'enrichissement de la langue française, remanié par le décret du 3 juillet 1996, demeure à ce jour le seul cadre juridique susceptible de conférer à des normes linguistiques une force obligatoire. La portée de cette obligation est restreinte car il s'agit d'instituer une préférence pour le terme français quand il a un équivalent étranger. Les individus doivent donc parler la langue nationale dans l'exercice de leurs missions quand elle leur en offre la ressource terminologique. En ce cas, l'existence d'un terme français commande une norme d'usage (il faut l'utiliser puisqu'il existe), laquelle ne s'applique d'ailleurs pas dans le cas de concurrence entre termes français.
Aucun autre texte en vigueur d'un niveau normatif égal ou supérieur ne régente le vocabulaire. Aucune norme inférieure, notamment une simple circulaire, ne peut venir contredire ce dispositif ou imposer des règles échappant au cadre établi. Toute modification de l'état du droit supposerait un texte normatif au moins égal afin de compléter ou de suppléer ce dispositif, en accord avec l'ordonnancement juridique supérieur dont la décision du Conseil constitutionnel a rappelé le caractère contraignant.
Si le législateur entendait intervenir malgré tout directement, dans le vocabulaire usuel de la langue, avec la force de la loi et imposer des appellations féminisées déterminées (par des modifications de vocabulaire ou par une intervention sur la grammaire en fixant des règles nouvelles de formation du féminin), il ne pourrait le faire, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qu'en vue de rendre plus effectif l'exercice de la liberté d'expression. On voit mal quelle argumentation pourrait justifier une telle démarche. Il pourrait le faire également en vue de concilier cet exercice avec d'autres principes à valeur constitutionnelle, et notamment avec le principe de l'égalité entre hommes et femmes7. Il n'est pas certain, toutefois, qu'une féminisation des termes aille dans le sens de la réalisation d'un tel objectif, ni que l'atteinte alors portée à la liberté d'expression soit proportionnelle à l'objectif recherché.
Une possibilité d'intervention reste ouverte, en matière de terminologie, par le décret du 3 juillet 1996. Toutefois, la publication par la commission, en accord avec l'Académie française de termes et d'expressions, n'aurait, comme on l'a vu, qu'une force obligatoire très restreinte et rencontrerait sa limite dans l'acceptation par l'usage.
Des travaux terminologiques peuvent avoir une valeur de référence et un effet d'entraînement sur l'évolution de la langue. Une normalisation indirecte de l'usage peut être l'un des objectifs de la normalisation directe, mais restreinte, des formes de la langue. L'initiative gouvernementale paraît d'ailleurs aller en ce sens puisqu'elle envisage un dispositif simplement incitatif. Elle a donc essentiellement une valeur d'exemple, en tant que geste politique qui s'appuie sur le service public mais qui veut aussi influer sur les habitudes des personnes privées. Une terminologie, adoptée par voie réglementaire, ne saurait toutefois atteindre ce but que par une généralisation de son emploi. C'est, en effet, l'usage, compris comme l'ensemble des pratiques de langage dont la valeur de référence est reconnue, qui demeure le droit commun de l'évolution de la langue et de la fixation de son contenu sémantique et morphologique.
1.2.2.3. Une évolution linguistique dans la dépendance de l'usage
En effet, une création terminologique publique se trouve toujours en concurrence éventuelle avec l'usage et dans la dépendance du seul usage. Celui-ci constitue une contrainte forte. L'incitation officielle peut difficilement rivaliser avec l'ingéniosité et la capacité de l'usage à créer d'autres termes concurrents. Cette libre créativité ne semble pas susceptible d'être restreinte à moins d'interdire l'usage d'un terme répandu et adopté par la langue au nom de l'existence officielle d'un autre terme de sens équivalent, ce qui semble peu réaliste. Surtout, il existe une prévalence de l'usage qui limite irrémédiablement la portée et l'efficacité de toute politique linguistique ou de toute police du langage.
L'usage n'est certes qu'un fait, résultant d'une somme infinie d'initiatives individuelles aléatoires agissant les unes sur les autres. Toutefois, ce fait, consacré par la tradition, revêtu de la force de la spontanéité et encadré par les autorités en mesure de peser sur l'évolution de la langue, est rebelle à l'emprise du droit positif. Si la langue est ce que l'usage en fait, ce sont alors les pratiques de langage qui font droit et non le droit qui dit ce que le langage doit être.
L'usage a ainsi le statut paradoxal d'un «normatif » bien que contingent, qui préexiste au droit. Il jouit d'une vie autonome, mais non déréglée puisque la stabilité inscrite dans les pratiques lui confère un caractère normatif et le soustrait à l'arbitraire des caprices individuels. Ces normes factuelles ne sont certes pas immuables, mais elles ont une valeur contraignante et objective qui permet de sanctionner les écarts par rapport aux pratiques attestées ou admises comme correctes. Seul l'usage fait autorité car aucune autorité ne peut forcer l'usage et toute controverse linguistique doit consentir à être tranchée par lui.
C'est donc dans ce cadre juridique qu'il faut aborder la question de la féminisation.
1 La néologie doit être entendue comme l'art d'inventer et d'employer des mots nouveaux. Cette discipline s'associe logiquement à la terminologie qui consiste à repérer, analyser et au besoin créer le vocabulaire spécialisé adapté à chaque technique de façon à répondre aux besoins de l'usager. L'évolution continue du savoir et des techniques exige une créativité linguistique qu'il convient d'encadrer par des règles, afin de préserver la cohérence et la clarté de la langue.
2 La langue est un attribut de la souveraineté parce que, selon une tradition bien ancrée qui remonte à l'ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539, la République doit parler la langue que le corps politique a adoptée. C'est la condition de l'union entre ses membres et l'instrument le plus adéquat de formulation de la volonté générale.
3 La mission en a été confiée, il y a trois siècles et demi, à l'Académie française, chargée de donner des règles certaines à la langue et d'en rédiger le dictionnaire.
4 Décision du 29 juillet 1994 n 94-345.
5 Dans sa décision n 94-345 du 29 juillet 1994 sur la loi du 4 août relative à l'emploi de la langue française, le Conseil a reconnu au législateur la possibilité d'imposer aux personnes publiques comme aux personnes privées l'usage obligatoire du français dans certains domaines définis par la loi. Il a cependant annulé deux dispositions de la loi jugées contraires au principe de la liberté de pensée et d'expression : l'obligation pour les personnes privées et les services audiovisuels de recourir à une terminologie approuvée et la subordination de l'octroi d'une aide publique à l'engagement préalable des enseignants et chercheurs d'assurer une publication ou une diffusion de leurs travaux en français.
6 Par sa circulaire du 8 mars 1998 et sa lettre de mission, le Premier ministre appelle les administrations, «attendre le résultat des travaux de la commission générale de terminologie et de néologie », à «aux appellations féminines... dès lors qu'il s'agit de termes dont le féminin est par ailleurs d'usage courant », comme « secrétaire générale, directrice ou conseillère ». Les ministres sont invités à diffuser cette pratique dans leurs services et à l'appliquer dans les textes soumis à leur signature. Le Premier ministre indique également qu'il a saisi la commission générale de terminologie et de néologie afin de faire le point sur la question, notamment « à la lumière des pratiques passées et des usages en vigueur dans les autres pays francophones »
7 Ce principe général d'égalité est posé par l'article premier de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ainsi que par l'article 3 du préambule de la constitution de 1946, 3ème alinéa : «loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme ». Le législateur peut également protéger ce principe en se fondant sur les engagements internationaux dont l'introduction dans l'ordre juridique n'a pas été jugée contraire à la constitution, tels que la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes ouverte à la signature à New-York le 1er mars 1980.
http://www.culture.gouv.fr/culture/dglf/cogeter/feminisation/1competence.html
Féminisation des noms de métiers en français
http://fr.wikipedia.org/wiki/F%C3%A9minisation_des_noms_de_m%C3%A9tiers_en_fran%C3%A7ais
Et la masculinisation ?
- Masculinisation du nom sage-femme. Cependant, le terme accoucheur est généralement préféré.
Locution nominale
Singulier | Pluriel |
---|---|
sage-femme homme /saʒ.fam ɔm/ |
sages-femmes hommes /saʒ.fam ɔm/ |
sage-femme homme masculin ou féminin (l’usage hésite)
Homme qui aide à l’accouchement et qui prend en charge le nouveau-né.
- La direction des affaires juridiques de l’APHP n’a été saisie qu’une seule fois pour un problème de refus de soins par un(e) sage-femme homme. — (le Ministère de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire, Rapport relatif aux refus de la mixité dans les services collectifs, 2005)
- Pour préciser le sexe, on recourait et certains locuteurs recourent encore à l’emploi du terme classificateur antéposé, “femme” : une “femme” professeur, une “femme” ingénieur, une “femme” docteur, policier, chirurgien, etc. Ou, plus rarement, un professeur femme. Il est à noter que, pour des raisons socio-culturelles, l’inverse n’est presque jamais attesté : tout au plus rencontre-t-on quelques « sages-femmes hommes » à la même période. — (Jean-Michel Gouvard, Le genre des noms dans les langues)
http://fr.wiktionary.org/wiki/sage-femme_homme
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